Bac 2018 : des lycéens privés de leur calculatrice pendant l’épreuve de physique-chimie

Lucas Hayas (CC BY-SA 2.0)

Des lycéens se sont vu interdire l’utilisation de leur calculatrice scientifique pendant l’épreuve de physique-chimie du bac ce jeudi 21 juin, au motif qu’ils consultaient des antisèches. Le sujet précisait que « l’usage de tout modèle de calculatrice, avec ou sans mode examen, est autorisé », faisant suite à une décision du ministère, en février, de reporter l’obligation, à compter du bac 2018, du mode examen sur les calculatrices (qui neutralise l’accès à leur mémoire), prévue par une circulaire de 2015.

« Des incidents sont survenus dans quatre lycées de l’académie de Lille avec le retrait définitif ou provisoire par des surveillants de leur calculette à un certain nombre de candidats », précise le ministère de l’éducation nationale, tout en indiquant que des « consignes de correction » seront données aux professeurs.

C’est le cas au lycée Pierre Forest de Maubeuge. « Après trente minutes d’épreuve le proviseur est venu dans notre salle et nous a dit que toute personne possédant son cours dans sa calculatrice serait reporté en situation de fraude, détaille l’un des candidats de l’établissement. Il nous a ensuite demandé de supprimer l’intégralité des programmes de notre calculatrice. » Dans la salle, de nombreux élèves s’exécutent.

Une rupture du principe d’égalité entre les candidats

Mais certains refusent, plaidant le fait que rien dans le sujet ne leur interdit d’utiliser leur calculatrice. « Le proviseur a confisqué les calculatrices de ceux qui ne supprimaient par leurs programmes, poursuit l’élève de terminale s. Il a aussi demandé à des élèves de passer leur calculette en mode examen. »

À la sortie de l’épreuve, des candidats et leur famille contactent le rectorat de Lille pour remonter l’incident et dénoncer une rupture du principe d’égalité (les candidats des autres centres d’examen ayant pu composer avec leur propre calculatrice). L’élève de terminale publie son témoignage sur le forum TIPlanet, spécialisé de l’univers des calculatrices scientifiques.

Contacté, Christian Israël, proviseur du lycée, se défend de toute rupture du principe d’égalité. « Très rapidement après le début de l’épreuve, nous nous sommes rendus compte que plusieurs candidats avaient rentré leurs cours dans leur calculatrice et recopiaient tels quels des questions de cours, explique-t-il. Nous les avons avertis qu’ils pouvaient être sanctionnés et pour éviter que d’autres candidats ne soient sanctionnés nous avons demandé à l’ensemble des élèves de supprimer les programmes de leur calculatrice. »

Ceux n’arrivant pas ou ne voulant pas supprimer leurs programmes se sont vus proposer deux alternatives ; activer le mode examen ou utiliser une calculatrice collège prêtée par le lycée. « L’idée était d’éviter que les élèves ne se retrouvent en situation de fraudes et que nous ne devions faire de multiples rapports d’incidents. »

« Des consignes de correction seront données aux correcteurs »

Au lycée Sophie Berthelot de Calais, d’autres candidats ont vécu la même mésaventure. Antoine, élève de terminale s et l’une de ses camarades se sont faits confisquer leur calculatrice quelques minutes après le début de l’épreuve. « Quelqu’un m’a pris ma calculette durant l’épreuve, a-t-il confié à Thomas Dagbert, journaliste à Nord Littoral. Quand je leur ai demandé pourquoi, ils m’ont dit que c’était considéré comme de la triche. » L’élève indique avoir été privé de sa calculatrice pendant 2h avant qu’une calculatrice de « type collège » ne lui soit proposée.

« Ils ont pris en photo la programmation de ma calculatrice et j’ai signé un rapport mais j’étais sous le choc », poursuit-il. Stressé, le candidat n’a pas bien réussi l’épreuve. Contactée par nos soins, la proviseure du lycée apporte des détails sur l’incident. « Une heure après le début des épreuves, un surveillant nous a signalé que plusieurs élèves recopiaient des définitions depuis leur calculatrice, explique-t-elle. Après avoir constaté les faits, nous avons contacté les services du rectorat de Lille qui nous ont donné la consigne de confisquer les calculatrices des élèves concernés. » Pour permettre aux deux lycéens de poursuivre leurs épreuves l’établissement leur a remis deux calculatrices scientifiques.

Du côté du ministère de l’éducation nationale, ces faits sont pris très au sérieux. « Afin qu’aucun candidat ne soit lésé, des consignes de corrections seront données aux correcteurs des copies concernées pour leur permettre de respecter le principe d’égalité de traitement des candidats. Des consignes spécifiques seront également données aux présidents des jurys lors des délibérations », explique-t-on rue Grenelle.

Ces différents incidents, s’ils constituent des ruptures du principe d’égalité entre les candidats, posent également la question de l’interprétation des textes réglementaires concernant les calculatrices. Rien dans les circulaires officielles n’interdit aux candidats de rentrer leurs cours dans leur calculette. « Les lycéens peuvent utiliser l’intégralité des fonctionnalités de leurs calculatrices‘ », rappelle aussi le ministère. Ce qui n’a pas empêché plusieurs responsables de l’académie de Lille de voir dans leur utilisation une fraude.

L’année prochaine, ce type de situation ne devrait pas se reproduire, si la circulaire rendant le mode examen obligatoire sur les calculatrices entre bel et bien en vigueur.

Guillaume Ouattara, blogueur-invité Le Monde Campus

 

Bac 2018 : le gouvernement renonce à imposer le « mode examen » sur les calculatrices

laffy4l (CC BY 2.0)

Les élèves de terminale n’auront pas à utiliser le mode examen de leur calculatrice scientifique pendant les épreuves du bac 2018, a annoncé le Ministère de l’Education nationale ce jeudi 15 février. « De nombreuses académies ont signalé qu’un nombre significatif d’élèves ne disposait pas à ce jour d’une calculatrice conforme à cette nouvelle réglementation, explique le Ministère. Tous les candidats composeront donc dans les mêmes conditions qu’à la session 2017 et avec l’équipement de leur choix ».

Cette session du bac aurait, pourtant, dû être la première à exiger des candidats le passage en mode examen, verrouillant l’accès à la mémoire de leur calculette pour empêcher la triche. Mais de nombreux cafouillages observés ces dernières semaines lors de bacs blancs ont eu raison de cette décision. Cette décision s’appliquera pour le bac, mais également pour le BTS, DEC (diplôme d’expertise comptable), DCG (diplôme de comptabilité et gestion),  DNB (brevet), CAP, BEP, concours général des lycées et concours général des métiers pour la session 2018, qui autoriseront également les calculatrices sans mode examen.

Une circulaire pour lutter contre la triche

L’affaire avait fait grand bruit en 2015. Dans une circulaire, le Ministère de l’Education nationale rendait obligatoire, à partir de 2018, le « mode examen » sur les calculatrices scientifiques. Son rôle ? Restreindre temporairement l’accès à la mémoire et déclencher un système de diode clignotante. L’objectif semblait alors clair : empêcher les élèves d’avoir des programmes de triche (contenant toutes leurs formules de maths ou de physique).

« L’analyse du bilan des fraudes et tentatives de fraudes aux baccalauréats ces dernières années fait en effet apparaître un nombre important de fraudes liées à l’utilisation de matériels électroniques, y compris la calculatrice, peut-on lire dans un document adressé aux constructeurs de calculatrices en 2013. La ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche souhaite que l’usage des calculatrices pendant les épreuves soit compatible avec les mesures visant à réduire les fraudes et tentatives de fraudes ».

Depuis trois ans, dans tous les lycées de France, la même consigne est donnée aux élèves : investir dans des calculatrices disposant du mode examen. « Mon frère venait d’avoir son bac quand je suis entré en seconde, explique Neïl élève en terminale s à Compiègne, il m’avait donné sa vieille TI83 sans mode examen mais les profs m’ont fait comprendre qu’il fallait que j’en rachète une avec le mode examen ». Enzo, lycéen à La Rochelle, a reçu les mêmes conseils « j’ai dû acheter une calculette avec un mode examen en arrivant en seconde, raconte-t-il, mais jusqu’à présent on ne l’a jamais activé en devoir surveillé ». À l’occasion de bacs blancs, certains lycées ont voulu tester ce fameux mode examen en conditions réelles, mais plusieurs cafouillages ont été relevés.

De multiples cafouillages

Si dans son communiqué le Ministère explique que « de nombreuses académies ont signalé qu’un nombre significatif d’élèves ne disposait pas à ce jour d’une calculatrice conforme à cette nouvelle réglementation », d’autres difficultés ont été constatées.

Chez certains candidats pourtant bien équipés, le mode examen de leur calculatrice ne s’est pas déclenché. « C’est un bug que l’on observe avec plusieurs modèles, détaille Xavier Andréani, professeur de mathématiques et fondateur du site TI-Planet. Si l’élève a moins de 25% de batterie et qu’il tente d’activer le mode examen, sa calculatrice reste bloquée sur un message d’avertissement du niveau de batterie, il ne peut plus l’utiliser ». Si le cas de figure se présente le jour du bac, impossible pour le candidat de passer en mode examen, ce qui entraînerait une confiscation de sa calculatrice. Interrogée par Slate, une professeure d’un lycée lillois où la situation s’est produite indique qu’elle a été obligée de « laisser tout le monde composer malgré tout » (avec les calculatrices sans mode examen du coup) durant un bac blanc.

Autre problème : ce « mode examen » ne préserve pas des antisèches. À partir du moment où une calculatrice est passée en mode examen, tous les programmes (et antisèches) stockés en mémoire auparavant sont inaccessibles. Mais tous les programmes que l’on écrirait après le passage en mode examen restent, eux, accessibles. Conséquence : un candidat qui aurait mis le mode examen chez lui pourrait ajouter des programmes de triche et venir avec une calculette pleine à craquer.

Pour faire face à ce problème, il est indiqué que les élèves doivent activer leur mode examen une fois dans la salle. Mais cette contrainte pose problème ; les professeurs surveillant l’épreuve de maths ou de physique n’enseignent pas tous ces disciplines. Pas sûr, donc, qu’ils soient au fait des subtilités des diodes clignotantes.

Des calculatrices bloquées

Un dernier point majeur inquiète la communauté éducative, comme les élèves : la sortie de ce « mode examen ». À chaque début d’épreuve les élèves devront avoir une calculatrice en « mode normal » qu’ils passeront en « mode examen ». Il leur faudra donc désactiver ce « mode examen » pour repasser en « mode normal » après chaque épreuve. Or, cette étape n’est pas toujours évidente. « Pour empêcher de quitter le mode examen pendant l’épreuve, les constructeurs de calculatrices obligent les élèves à utiliser une autre machine pour le désactiver, explique Xavier Andréani. Il peut s’agir d’une autre calculatrice du même modèle, d’un ordinateur voire d’un smartphone pour les modèles les plus évolués ».

Et selon le modèle de calculatrice, cette sortie du mode examen peut se transformer en une mission quasi-impossible. « Par exemple, pour sortir du mode examen de la  Lexibook GC3000FR, il faut obligatoirement utiliser une calculatrice du même modèle qui n’est, elle-même, pas en mode examen, poursuit Xavier Andréani. Cette calculatrice ne dispose pas de port USB, donc impossible de la déverrouiller avec un ordinateur ». En clair, si les candidats n’ont pas acheté cette calculatrice en deux exemplaires il leur sera tout bonnement impossible de sortir du mode examen… et donc d’utiliser leur calculatrice pour les épreuves suivantes.

Et ce même problème se retrouve sur d’autres modèles de calculatrice. En fait, pour comprendre l’origine de ce cafouillage, il faut revenir au cahier des charges qu’ont reçu les fabricants de calculatrices. En décembre 2013, près d’un an et demi avant la publication de la circulaire, le Ministère de l’Education nationale avait fait parvenir aux constructeurs un ensemble de « spécifications techniques » relatives au mode examen. Dans ce document de 5 pages, une seule ligne évoque la sortie de ce mode examen  : « Le « mode examen » doit donc être actif en permanence et ne pouvoir être désactivé que par une connexion extérieure ». C’est le flou autour de cette notion de « connexion extérieure » qui rend obligatoire la possession de deux calculatrices du même modèle pour certaines marques.

Un business très lucratif

LordFerguson (CC BY-SA 2.0)

À quatre mois à peine du baccalauréat, le Ministère devait trancher au plus vite. Maintenir la circulaire, au risque de se retrouver avec des ruptures d’égalité entre les candidats (certains disposant potentiellement d’antiséches lors de l’épreuve, d’autres privés de toute calculatrice), ou renoncer temporairement à cette obligation du « mode examen ». C’est le second choix qui l’emporte. Pas sûr qu’il ne fasse que des heureux. Hugo, lycéen à Douai, fulmine depuis qu’il a eu vent du projet du Ministère. « Je redouble ma terminale cette année et j’ai acheté exprès ce week-end une nouvelle calculatrice avec le mode examen, lâche-t-il. J’ai dépensé 70€ pour rien ».

Il faut dire que depuis l’annonce de cette circulaire, les fabricants de calculatrices se frottent les mains. Durant longtemps, les vieux modèles se transmettaient dans les familles où se revendaient pour quelques poignées d’euros sur internet. Mais ils ne disposaient pas du mode examen. C’est donc tout un parc de calculatrices scientifiques qui a dû être renouvelé. « Depuis trois ans, on peut considérer que tous les élèves ont dû acheter une calculatrice neuve », détaille Xavier Andréani. Avec 500 000 élèves en série générale et technologique, ce sont pas moins de 1,5 million de calculatrices qui ont été rachetées. « Une calculatrice de moyenne gamme coûte environ 70€ », poursuit l’enseignant. Cette circulaire aurait rapporté, au bas mot, quelques 105 millions d’euros aux constructeurs. Un business très lucratif.

Si les bacheliers 2018 ne seront pas concernés par ce « mode examen », qu’en sera-t-il pour ceux de la session 2019 ? Officiellement, la circulaire restera en vigueur pour eux. Mais il est bien difficile de savoir comment les couacs rencontrés cette année pourront être résolus. Et au-delà de ces problèmes techniques, ce mode examen est-il vraiment si utile ? « Il n’y a rien de mal à stocker quelques formules pour être rassuré le jour des épreuves », glisse Fabien, lycéen à Compiègne. « Les programmes de triche peuvent même être vecteurs d’égalité entre les candidats, analyse Xavier Andréani. Ceux qui achètent les modèles les plus chers ont énormément de fonctionnalités « par défaut » qui restent accessibles même en mode examen, alors que ceux avec des calculatrices bas de gamme ne les ont pas. Sans le mode examen, tout le monde peut avoir les mêmes fonctionnalités en installant des programmes supplémentaires ». Les programmes de calculatrice, outils de lutte contre les inégalités sociales ? Toujours est-il que l’équation que le Ministère devra résoudre l’an prochain est loin d’être évidente…

Guillaume Ouattara, blogueur-invité Le Monde Campus

Premiers soupçons de fuite au bac 2017

École polytechnique – J.Barande (CC BY-SA 2.0)

Le coup d’envoi des écrits du bac 2017 se fera le jeudi 15 juin avec l’épreuve-reine de Philosophie. Mais depuis le mardi 6 juin, les élèves de terminale S de toute la France planchent sur les ECE, épreuves d’évaluation des compétences expérimentales. Organisés en SVT et en Physique-Chimie, ces TP évalués comptent pour 4 points dans la note des candidats au bac.

Courant mai, le Ministère a envoyé les 20 mêmes sujets à tous les lycées de France pour la SVT et la Physique. Et les consignes d’organisation de cette épreuve sont strictes ; les 20 sujets de chaque matière doivent être conservés par les chefs d’établissement et les professeurs dans le plus grand des secrets. Problème ? Depuis plus d’une semaine, les 20 énoncés et corrigés de Physique-Chimie sont en vente sur internet…

Des sujets en vente sur Facebook

« Avis à toutes les terminales s, grosse fuite sur les sujets officiels de TP Physique-Chimie. Sur cette page se trouvent tous les sujets de Physique Chimie, c’est incroyable ». C’est par ce message racoleur que le lundi 29 mai un certain Borris fait sa publicité sur un groupe Facebook de révision des épreuves du bac 2017. La veille, c’est sur le chat du forum TI-Planet, fréquenté par des lycéens, qu’un certain Alex poste des messages similaires : « j’ai trouvé un truc de fou pour obtenir les TP de Physique Chimie, c’est du sûr à 100% ».

Dans les deux cas, les internautes renvoient vers une page Facebook, supprimée depuis, sobrement intitulée « TP Physique 2017 ». Sur cette page, les administrateurs assurent disposer de « tous les sujets de physique pour la session 2016-2017 » qu’ils proposent d’envoyer aux candidats pour la modique somme de… 20 euros ! Et de préciser : « des centaines de lycéens en profitent ».

Capture d’écran de la page Facebook proposant les sujets

Xavier Andréani, professeur de mathématiques et administrateur du Forum TI-Planet, est le premier à avoir détecté ces échanges. Il est d’abord dubitatif. « Tous les ans on voit passer de fausses fuites, des petits malins qui s’amusent à faire croire qu’ils ont quelque chose. Alors j’ai cru que cette année encore quelqu’un s’amusait à surfer sur la tendance des fuites pour se faire de l’argent, ça ne me paraissait pas très sérieux ». Par acquis de conscience, et après avoir supprimé les messages en question, l’administrateur contacte l’un des internautes pour en savoir plus.

« Les sujets qui ont fuité sont authentiques »

« L’internaute en question m’a répondu assez rapidement, détaille Xavier, il voulait à tout prix me prouver qu’il disposait bien des sujets ». Le dénommé « Alex » commence, donc, par lui envoyer une capture d’écran du dossier censé contenir les sujets et corrigés des ECE de Physique-Chimie. Et ce que Xavier découvre dans cette capture le laisse dubitatif : « sur l’image on peut voir un dossier « Consignes » et des dossiers révélant 20 codes de sujets numérotés entre 401 et 523 ». Un format de numéros correspondant à ce qu’on a pu observer les années précédentes. Mais en soi, pas suffisant pour établir une fuite. « Tout le monde peut s’amuser à créer de faux dossiers avec des numéros », glisse l’administrateur du forum.

Capture d’écran du dossier vendu sur Facebook

Mais quelques minutes plus tard, le même Alex revient à la charge. Cette fois pour prouver sa bonne foi et la véracité de ses documents il envoie à Xavier et à un autre membre du forum deux sujets complets de Physique : Identification des diastéréoisomères et Mesure d’une vitesse par une image et par le son. Les sujets en question, au format PDF, font 7 pages chacun. « Il s’agit de l’énoncé réservé aux élèves », détaille Xavier Andréani. Selon lui, ces documents sont d’authentiques sujets du bac : « les énoncés avaient le bon format, le bon en-tête. Ils ne correspondent pas aux épreuves des années précédentes et je n’ai trouvé aucune trace du texte sur Google. Je pense que l’on est face à une véritable fuite », poursuit-il.

Et l’internaute d’expliquer à l’administrateur la façon dont il se serait procuré ces 20 sujets (et leur correction) : « j’ai réussi à pirater le compte de mon prof de physique ». C’est aussi simple que ça. Xavier Andréani envoie immédiatement un signalement à la Mission de pilotage des examens. « Je constate depuis ce samedi 27 mai au soir, sur plusieurs sites Internet fréquentés par des lycéens candidats au Baccalauréat, des agissements qui m’ont interpelé, commence-t-il. Une ou plusieurs personnes qui font de la publicité pour une page Facebook disposant selon elles des dossiers d’ECE 2017 de Physique-Chimie, en version complète avec les fiches évaluateur ». Le temps presse. On est alors à une semaine du début des épreuves et les sujets sont en vente sur internet. Mais son signalement restera sans réponse dans un premier temps…

Les soupçons de fuite se confirment

Théoriquement, il aurait fallu attendre le mardi 6 juin, date officielle du début des épreuves, pour savoir si le contenu de cette fuite était vrai ou s’il s’agissait d’un énième fake. Mais dans les faits, dès le 1er juin des premiers lycéens planchent, en avance, sur les ECE et communiquent leurs sujets sur le forum TI Planet. Et surprise : l’identification par diastéréoisomère et la mesure d’une vitesse par une image et par le son font bien partie des sujets sur lesquels certains candidats sont interrogés. La fuite est avérée.

« Je suis resté bouche bée quand j’ai vu que les sujets sur lesquels avaient composé les lycéens étaient ceux dont je disposais depuis plusieurs jours. Si ces deux sujets sont exacts, alors les 18 autres en vente doivent, eux aussi, être bons », lâche le prof, dépité.

Témoignage d’un candidat passé sur 2 des sujets ayant fuité

En l’état, difficile de savoir combien d’élèves ont pu avoir accès aux documents issus de la fuite présumée. La page Facebook a été supprimée quelques jours après sa création, mais elle se targuait d’avoir vendu les sujets à plusieurs centaines d’élèves. Le 6 juin, les soupçons de fuite se confirment. D’autres témoignages de lycéens permettent d’établir que les sujets communiqués par l’internaute sont tombés. William, administrateur d’un groupe Facebook de révision du bac explique : « les premiers témoignages que nous recueillons confirment que les sujets en notre possession depuis une semaine sont issus d’une fuite ».

Une enquête en cours au Ministère de l’Education Nationale

Ce n’est pas la première fois que ces épreuves expérimentales font parler d’elles. En 2013, le rectorat de Toulouse avait publié, par erreur, les intitulés complets des épreuves de SVT. Le Ministère avait, à l’époque, minimisé l’affaire en précisant que seules les capacités expérimentales des élèves étaient évaluées. Mais il est vrai que baser ses révisions sur 20 intitulés plutôt que sur les 60 TP au programme simplifiait grandement la tâche des lycéens. Cette année, outre les intitulés, ce sont les sujets complets et les corrigés qui sont en vente sur internet. Une fuite de bien plus grande ampleur qu’il y a 4 ans.

Contacté, le Ministère a indiqué qu’« une enquête est en cours sur les faits survenus ». Rue Grenelle on cherche toutefois à minimiser son impact. « Les ECE visent d’abord à apprécier la capacité du candidat à mener une démarche scientifique dans l’environnement du laboratoire, écrit le Ministère. Ce sont les compétences expérimentales qui sont prioritairement évaluées ». Reste qu’avec les sujets et les corrigés, un candidat part avec un bon coup d’avance. Le Ministère précise toutefois : « puisque cette épreuve évalue d’abord des compétences pratiques en situation,  il est envisagé, pour réduire les incidents, de mettre en place à l’avenir une banque annuelle de sujets nationaux, qui seront rendus publics ».

Une grande partie des candidats planchera jusqu’à vendredi sur les épreuves expérimentales. Nul doute que ceux d’entre eux s’étant entraînés sur les vrais sujets et les corrections auront plus de facilités pour mener à bien ces épreuves du bac.

Guillaume Ouattara, blogueur-invité de la rédaction du Monde

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