A quoi ressemblent les cours dans une fac américaine

Kim https://www.flickr.com/photos/thegirlsny/ (CC BY-SA 2.0)
Kim  (CC BY-SA 2.0)

Il est 7h, votre réveil vous sort à peine du sommeil. Vous voilà projeté tout droit dans mon quotidien : celui d’un étudiant en échange à l’Université de Valparaiso, dans l’Indiana. D’habitude, j’étudie à l’Universté de technologie de Compiègne, en Picardie. Mais en août dernier, j’ai fait ma rentrée dans une fac américaine. Ici, j’étudie aussi bien le Data Mining et les réseaux informatiques, que la philo ou l’histoire. En clair, j’ai pu découvrir des cours, des façons d’enseigner et des élèves très différents.

Mais alors à quoi ressemble un cours aux Etats-Unis ? Les enseignements diffèrent-ils de ce que l’on peut faire en France ? Je vous propose de vous plonger, avec moi, dans une heure de cours comme les autres sur mon campus.

7h30 : Avant les cours, c’est déjà le cours

La première étape de tout étudiant américain qui se respecte (et des étudiants internationaux…) est d’allumer son ordinateur et de se connecter sur la plateforme électronique des cours. Son petit nom ? Blackboard (comme le « tableau noir »). C’est sur ce site que l’on trouve toutes les informations relatives aux enseignements.

Supports de cours, textes à lire, agenda et même notes : c’est le petit rituel du matin.

Parfois, pendant la nuit, certains profs se sont amusés à rentrer de nouveaux résultats. C’est la petite surprise du matin. Pas forcément agréable… Mais souvent, il s’agit pour moi de consulter le travail qu’il me reste à faire pour les cours à venir. Et, surtout, avant chaque cours il faut se préparer. Chapitres de livres à lire, « assignments » (devoirs) à rendre aux professeurs : pas question d’arriver en touriste.

En France aussi j’ai une sorte de plateforme électronique : Moodle. Mais elle sert principalement aux profs pour transférer des fichiers et poster les annales. Ici, Blackboard est un véritable complément de cours.

9h50 : Gare aux retards !

Le cours commence à 10h00. Mais 10 minutes avant son début, tous les étudiants sont assis, silencieusement, et attendent l’arrivée du prof… Oui, vous avez bien lu : « DIX MINUTES AVANT LE DEBUT DU COURS » !!! Il faut dire que la ponctualité n’est pas en option ici, aux Etats-Unis.

Pour mon tout premier jours de cours je suis arrivé, en bon Français, avec une petite minute de retard… Terrible erreur !!! Je me suis retrouvé sur une vieille table bancale au fond de la classe et la prof venait tout juste de terminer l’appel. J’ai, donc, dû aller justifier de mon « « « retard » » » à la fin du cours.

Et là aussi vous lisez bien : la prof « FAISAIT L’APPEL ». Ce rituel un peu archaïque avait complètement disparu de ma pensée après mon année de terminale. Eh bien sur mon campus américain, la présence est obligatoire ! Et, un peu comme au collège et au lycée, les profs passent 5 bonnes minutes pour s’assurer que tous les élèves sont là. Dans des petits effectifs, ça passe encore, mais quand le cours comporte une cinquantaine d’étudiants ce peut être extrêmement long…

Contrairement aux élèves, les profs ont des rapports parfois différents à l’horaire. Certains sont là en avance et guettent leur montre pour commencer pile à l’heure. D’autres arrivent avec un peu de retard, histoire de montrer qu’ils ont un quotidien chargé.

Mais ce qu’il y a de plus étonnant dans ces dix minutes d’attente, c’est le silence qui règne dans la salle. Les étudiants relisent leur notes, pianotent sur leur téléphone ou regardent le plafond en attendant que le temps passe (ça arrive vraiment…).

Dans beaucoup de cours que je suis en France, il y a un espèce de brouhaha constant, un bruit de fond qui ne part jamais. Ici, on peut entendre les mouches voler.

10h01 : Un « quiz » pour bien démarrer le cours

Assez fréquemment, les cours commencent par un petit « Quiz ». Derrière ce nom ludique, se cache – en réalité – ce que l’on appelle une interro surprise en bon français. Cahiers fermés et rangés au fond du sac, stylos bien en évidence : il s’agit de faire le point sur les connaissances des élèves.

Mais bien souvent pendant ce genre d’épreuves, les profs sortent de la salle et laissent les élèves seuls pour composer… La première fois que j’ai vu un prof sortir pour un examen, j’ai eu comme un moment de doute. « Du coup, c’est le moment où les élèves commencent à parler entre eux et à s’échanger les réponses ? ».

Eh bien pas du tout, c’est tout le contraire. Sur le campus, un texte très important réglemente tous les examens écrits et notés : le code d’honneur. « Je n’ai jamais donnée ni reçu, et encore moins ai-je toléré une aide non-autorisée ». Cette phrase doit conclure chacun des travaux notés que nous rendons au prof.

Ainsi, comme je l’avais expliqué dans une précédente note de blog, il est très rare de voir des élèves tricheurs et bien souvent les fautifs sont dénoncés… par leurs propres camarades !

10h08 : « Vous avez fait quoi ce week-end ? »

SWCompiegne 2015 https://www.flickr.com/photos/130625175@N03/ (CC BY-ND 2.0)
SWCompiegne 2015  (CC BY-ND 2.0)

Les débuts de cours sont, souvent, l’occasion pour les profs de quelques discussions un peu légères. Certains n’hésitent pas à raconter leur week-end, les galères avec leur nounou (véridique). D’autres encore lancent des débats philosophiques du type « pourquoi le saumon est-il si dégoûtant à manger » (véridique encore…). Et il est même arrivé qu’un prof profite d’un début de cours pour nous proposer un petit boulot : « je pars en congrès la semaine prochaine et j’ai personne pour garder mon chien, est-ce que quelqu’un serait disponible ? » (une nouvelle fois véridique).

Les profs de mon campus établissent une certaine forme de proximité assez étrange pour l’étudiant français que je suis… A l’UTC, il n’y a pas vraiment de place pour des discussions aussi légères. Les profs sont dans leur rôle, leur personnage. Dans ma fac américaine, la complicité est de mise… et ça a de quoi me déstabiliser !

10h12 : « Qu’avez-vous retenu du texte que vous deviez lire »

C’est une phrase que j’entends aussi bien dans mes matières littéraires que scientifiques : « qu’est-ce que vous avez retenu de vos lectures ». Il faut dire qu’une bonne partie du travail de cours s’effectue en amont. Il faut lire des chapitres de gros bouquins, faire des mini-quiz, envoyer par mail des résumés de lecture…

Du coup une fois en classe on est assez loin du modèle de cours magistral et les profs instaurent plutôt une discussion avec nous.

Ce système a un nom : on dit que les cours de ma fac sont « student oriented ». En clair, tout est fait pour que l’étudiant soit placé activement au cœur de son apprentissage. Le revers de la médaille c’est qu’il faut fournir un travail assez dense avant et après chaque cours. Ce système m’oblige à consacrer de nombreuses heures à préparer chacun de mes cours. De manière générale, les étudiants ici considèrent qu’une heure de cours sur l’emploi du temps correspond à 3h de travail personnel… On n’est pas très loin de la réalité.

10h30 : Et soudain un ronflement s’élève au fond de la salle

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SWCompiegne 2015 (CC BY-ND 2.0)

Comme je le disais, l’une des choses qui m’étonnera toujours dans les enseignements que je suis sur mon campus américain, c’est le silence qui règne dans les salles de cours. En France, dans beaucoup de cours on entend en permanence un fond sonore fait de chuchotements, de gloussements et parfois d’éclats de voix. En cours, à Valparaiso, les bavardages ne sont pas de mise et les contrevenants très rapidement rappelés à l’ordre.

Mais pour autant leur comportement n’est pas exemplaire. Plusieurs fois j’ai vu des étudiants… s’endormir. Il ne s’agissait pas d’un petit malaise passager ou d’un regard ensommeillé mais bel et bien d’une sieste en plein cours. Et parfois cette dernière s’accompagnait de ronflements !

Les profs réagissent différemment à cette situation. Certains laissent couler, là où d’autres prennent un malin plaisir à réveiller le contrevenant. Dans mon école en France c’est une situation que je n’avais jamais vu. Sans doute parce que ceux qui se sentent fatigués ne viennent tout bonnement pas. Ici, comme la présence est contrôlée et les absences sanctionnées, tout le monde vient… même ceux qui ont des dizaines d’heures de sommeil à rattraper.

C’est une situation assez inédite et rigolote à observer. Mais quand on est de l’autre côté, du côté du professeur, c’est nettement moins marrant. J’ai donné une fois une heure de cours pour une classe de « français professionnel », pour remplacer une prof qui devait s’absenter. J’étais en binôme avec une autre étudiante française sur le campus et notre cours consistait à présenter des conseils pour un entretien d’embauche en France.

Mais très rapidement, j’ai détecté une somnoleuse. Il faut s’imaginer que les salles de cours sont faites de façon à ce que les profs puissent voir facilement tous les élèves. Impossible, donc, de se cacher derrière ses camarades… surtout que l’élève en question s’était installée au second rang. A partir de la moitié du cours, elle avait les yeux à demi-clos. Du coup, dès que je prenais la parole je m’arrangeais pour prononcer un mot particulièrement fort en regardant dans sa direction. L’effet fut immédiat : à 3 ou 4 reprises j’ai provoqué des petits sursauts de sa part… Je m’amuse comme je peux…

 10h45 : 5 minutes avant la fin… c’est déjà la fin

Le cours se poursuit ensuite sur sa lancée, toujours dans cet esprit « student oriented ». Tous mes profs cherchent à créer une discussion à certains moments, même si ça s’avère parfois un peu gênant.

C’est ainsi que mon prof de philo a voulu lancer une conversation autour d’un texte qu’on devait lire pour le cours. « Alors que raconte Kagan sur la théorie de la dualité de l’âme et du corps dans le chapitre que vous deviez lire ? ». Un grand silence. « il y a bien quelqu’un qui a compris quelque chose ? Jacob ? – Non monsieur, j’ai pas lu –Et toi Kaelin ? –J’ai lu mais j’ai pas compris (#Mensonge) –Et toi Bradley ? #l’étudiant en question se réveille en sursaut# – Quoi ? ». Mais à d’autres moments du cours les élèves sont plus réceptifs au dialogue…

Mais tout aussi respectueux et réactifs qu’ils soient, les étudiants de mon campus ont une tradition : 5 minutes avant la fin du cours, ils rangent leurs affaires et sont au taquet pour partir. Bruits de trousses et de sacs que l’on referme, leur comportement aurait de quoi agacer les profs en France qui ont pour tradition de dire « la cloche c’est moi ». Et si cette pratique du rangement de trousse est en vigueur au collège, à partir du lycée TOUS les élèves français ont compris que s’ils ne veulent pas que leurs profs prolongent délibérément la fin du cours, il vaut mieux s’abstenir de leur mettre la pression…

Sur mon campus américain, un compte à rebours mental s’enclenche dans leur esprit…. Attention, 5 – 4 – 3 – 2 – 1 : à 10h50 pétantes les étudiants se lèvent d’un seul homme et quittent la salle, laissant à peine le temps au prof de terminer sa dernière phrase.

Il est, donc, l’heure de se rendre dans la salle de son prochain cours ou d’aller à la bibliothèque s’attaquer à la masse de travail pour les cours suivants.

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>>> Et découvrez, aussi, mon bilan de deux ans en école d’ingénieurs, toutes les coulisses de ma rentrée dans une université américaine ou encore Le jour où le Wi-Fi est tombé en panne sur mon campus américain… Et je vous explique pourquoi il ne faut JAMAIS tricher dans une fac américaine et quel bilan je tire après 2 mois dans une fac américaine !

6 commentaires sur “A quoi ressemblent les cours dans une fac américaine

  1. Très intéressant, les méthodes d’enseignement et d’apprentissage sont bien différentes en fonction des pays. Par exemple, en Finlande, les étudiants entrent et sortent à leur guise des cours. S’il n’aiment pas le cours, ils le quittent et vont en suivre un autre à la place.

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  2. Bonjour,
    article intéressant. Toutefois, il serait peut-être bon de réaliser (et du coup de rappeler) que cette expérience est spécifique à votre université américaine, et pas représentative de « la fac américaine » en général, qui n’existe d’ailleurs pas. Par exemple, dans celle où j’officie, pas d’appel mais des feuilles d’émargement, comme dans beaucoup de facs/écoles françaises, les absences ne sont pas pénalisées du coup le taux de fréquentation des premières années est irrégulier, et les élèves arrivent/repartent des cours quand ils veulent…

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  3. Assez d’accord avec le précédent commentaire, l’expérience comptée ici n’est que la votre, difficile de généraliser ça à toutes les universités américaines (tout comme votre expérience française du « sans appel » fausse pour beaucoup d’universités et grandes écoles)

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  4. Bonjour Guillaume,
    Heureux de vous lire ! Je me suis demandé si vous alliez bien car nous n’avions plus de nouvelles. Surtout que vous ne répondiez à aucun des commentaires ou questions posées suite à la description de « votre » soirée électorale. Entre parenthèses, j’ai trouvé cela plutôt grossier mais c’est ainsi et après tout, c’est vous qui gérez votre image. Donc vous revoilà et ça rassure.
    Je voudrais vous féliciter. Vous gagnez en qualité d’écriture et surtout en modestie. En effet, vous ne nous imposez pas cette fois-ci une mise en scène de votre propre personne et vous en tenez à votre sujet. Bon, vous faites un peu de remplissage mais c’est de bonne guerre lorsque le fond manque et cela ne peut vous être reproché car le sujet n’est autre que la vie quotidienne sur un campus et, forcément, on tombe vite dans l’anecdote.
    A propos du commentaire de l’internaute répondant au pseudo de « professeur », je ne suis pas tout à fait d’accord avec lui sur le fait que vous généraliseriez trop ce que vous observez en l’étendant à toute l’Amerique. Je ne suis pas d’accord donc, car vous précisez à plusieurs reprises « sur mon campus ». Certes il y a aussi des généralités non démontrées dans votre texte mais on comprend facilement que vous parlez de votre campus. Continuez, vous progressez et le plaisir à vous lire ne manquera pas de venir.
    Pour ce coup-ci, je vous note au-dessus de la moyenne, vraiment au-dessus. Bonne continuation et joyeuses fêtes !

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  5. Quand on va dans un amphithéâtre, là où le professeur, là où le chercheur donne son cours, livre son savoir, on peut être surpris par le manque de place pour écrire, il n’y a de la place que pour quelques feuilles et quelques stylos, il faut incliner la feuille de coté pour pouvoir relire pendant que le professeur, le chercheur, essuie son tableau. Il semble que les études dans les facultés américaines soient un peu pareil, il n’y a pas trop de place pour écrire. Ils peuvent faire des activités à coté, ont un très beau parc avec des arbres taillés à l’américaine, sans branche trop basse, moi, je suis jamais allé dans une fac américaine, mais j’aimerais bien y aller rien que pour voir leurs arbres, on les voit dans les cimetières américains en Normandie, j’essaie de faire pareil parce que c’est vraiment très joli cette façon de tailler les arbres. Moi, j’ai eu beaucoup de mal à m’adapter à ce manque de place, cela semble être à l’image du reste, il faut se débrouiller pour enrichir le cours, aller à la bibliothèque, s’affirmer, le professeur ou le chercheur fait son cours et vous êtes dedans. Vous avez déjà vu de quoi il parle à la bibliothèque, on croit qu’on y arrive, on peut avoir la larme à l’œil; cela vient tout doucement, on commence à comprendre la faculté. Moi, j’ai conservé cette état d’esprit de la faculté, si dur à acquérir, chercher la connaissance, ne pas regarder derrière, ne pas attendre le professeur, le chercheur, apprendre des choses parce que ça m’intéresse, etc…

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